Depuis la Terre sainte, le chemin de croix médité de sœur Marie Reine

Publié le 19/03/2024 à 07h30 - Mise à jour le 20/03/2024 à 10h29 par  Sœur Marie Reine Ajouter à votre selection
À quelques jours de Pâques, et alors que la Terre sainte souffre dans sa chair, sœur Marie Reine, collaboratrice de l’École biblique de Jérusalem, nous invite à commémorer la Passion du Christ. Les versets qu’elle a choisis font dialoguer l’Ancien et le Nouveau Testament avec l’œuvre du sculpteur d’art sacré Félix Oudin.


1 / 14 Jésus est condamné à mort

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Ecce Homo! » (Jn 19, 5) Regardons bien cet homme. Qu'a-t-il fait de si grave pour que la foule souhaite sa mort? Est-ce donc sa présence qui trouble notre quiétude? Nous avons bâti nous-mêmes notre coin de paradis où Dieu n'a pas sa place. Mais voilà que Jésus vient tout mettre en lumière. Sors de ta léthargie, reviens vers ton Seigneur! Il est là et t'appelle par ton nom: « [Adam,] où es-tu? » (Gn 3, 9), Il réveille ta conscience: « Qu'as-tu fait [de ton frère]? » (Gn 4, 10) Alors, devant cet homme, allons-nous crier avec la foule: « crucifie-le » (Lc 23, 21)? Nous laverons- nous les mains comme le fit Pilate, laissant faire le mal? Ou prendrons-nous sa croix pour marcher avec lui sur la via dolorosa?

2 / 14 Jésus est chargé de sa croix

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Elle hoche la tête pour se moquer de toi, la fille de Jérusalem! » (2R 19, 21) Et avec les nations, voici qu'elle se moque: « Où est-il, ton Dieu » (Ps 41), quand le mal se déchaîne, que des innocents souffrent, que l'injustice règne? – Il est là, sous la croix, avec les victimes. Il porte leur douleur, se charge de leur fardeau. Sur son dos, il a pris tous les péchés du monde, ceux d'hier et d'aujourd'hui, ceux d'Orient et d'Occident: guerres, meurtres, viols et violences en tout genre, mensonges, vols, humiliations, infidélités et haine. Il embrasse l'ensemble pour alléger nos croix. « Venez à moi, vous tous qui ployez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » (Mt 11, 28)

3 / 14 Jésus tombe pour la première fois

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Le cœur me bat, ma force m'abandonne. » (Ps 37) Plus que le bois posé sur ses épaules meurtries, ce sont nos offenses qui blessent Jésus, l'écrasent et le broient. Gisant dans la poussière, il peine à se lever. Les passants le regardent d'un air méprisant ou bien en ont pitié, mais les uns comme les autres ne comprennent pas que « [s]a puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2Co 12, 9). En s'abaissant jusqu'à terre, Dieu relève l'homme jusqu'aux cieux. Seigneur, dans ta miséricorde, penche-toi encore aujourd'hui sur tous ceux qui souffrent, crient, désespèrent.

4 / 14 Jésus rencontre sa mère

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Voici la servante du Seigneur. » (Lc 1, 38) Ce verset résonne comme un écho. Au milieu de la foule, un visage familier va redonner au Christ la force d'avancer. Marie, sa mère, est là, elle marche à ses côtés et dans son seul regard il comprend son message: – Mon fils, « sois fort et très courageux » (Jos 1, 7), « ne crains pas ce bourreau » (2M 7, 29). Ton Père t'a envoyé pour cette heure qui arrive. Je suis tout près de toi et je marche dans tes pas. Va, fais sa volonté et sauve l'humanité. Seigneur, accorde à ceux qui croulent sous la croix d'être réconfortés par ta mère, dans ses bras.

5 / 14 Simon aide Jésus à porter sa croix

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples […] Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » (Mt 11, 29-30) Désigné par le sort, Simon, rentrant des champs, s'avance vers Jésus et prend sur lui son joug. La croix l'unit au Christ, d'un même pas ils avancent. Ensemble sur le chemin, ils reçoivent crachats et coups. Partageant leur fardeau, ils en allègent le poids. Un même Esprit les pousse, et leur donne leur force. Simon, comme saint Paul, peut dire à cet instant: « Je vis mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20). Oui, le chemin est rude, mais vois où il conduit! Toi qui as pris son joug, tu partageras sa gloire.

6 / 14 Véronique essuie la face de Jésus

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Il était si défiguré qu'il ne ressemblait plus à un homme. » (Is 52, 14) Devant un tel spectacle, les passants se retirent, évitant tout contact avec ce supplicié. La foule s'écarte et même ses amis se détournent de lui. Il est bien loin le temps où tous voulaient le voir, l'entendre et le toucher. Mais à contre- courant, se frayant un chemin, dans les rues trop étroites de Jérusalem, une femme s'approche. Peu importe le sang que ses doigts vont frôler, elle se penche et délicatement lui essuie le visage. L'image de Jésus imprègne le voile de lin, et s'imprime en même temps dans ton cœur, Véronique. Seigneur, donne à tous ceux qui contemplent ta face la grâce de devenir une icône du Christ.

7 / 14 Jésus tombe pour la deuxième fois

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Il met en deuil muraille et avant-mur. Ensemble on se désole. » (Lm 2,8) La rue pavée et montante de ce chemin de croix débouche sur les remparts. Devant ces murs immenses, Jésus tombe de nouveau. « Jérusalem, Jérusalem, […] combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, […] et vous n'avez pas voulu! » (Mt 23, 37). Tous ont durci leur cœur et construit des murailles, et il n'est pas de brèche pour me laisser entrer. Je suis prince de Paix, ouvrez-moi donc vos portes! Seigneur, viens à notre aide et détruis les cloisons que nous avons bâties. Apprends-nous à aimer, comme tu nous as aimés.

8 / 14 Jésus exhorte les filles de Jérusalem

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Sortez et regardez, filles de Sion, le roi Salomon avec la couronne. » (Ct 3, 11) Sa couronne est d'épines et son trône une croix, mais il est « roi de gloire » et notre rédempteur. Alors, sèche tes larmes et « pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi: il est juste et victorieux » (Za 9, 9). Suis-le avec ta palme, ton manteau et tes hymnes pour entrer en Sion, dans la maison de Dieu. Ne pleure pas sur le Juste, mais pleure sur les pécheurs. Car malgré l'apparence, ils sont bien plus à plaindre. Coupés de l'olivier, ils sont comme du bois sec: dur, cassant au-dehors, mort et vide au-dedans. En étant greffés de nouveau au bois vert, alors seulement ils trouveront la paix, la vie, la liberté.

9 / 14 Jésus tombe pour la troisième fois

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance. » (Rm 5, 3) Combien de temps encore va donc durer l'épreuve? Voilà déjà trois fois que Jésus tombe à terre. Le tunnel est si long qu'il n'en voit pas l'issue. La tentation est grande de s'arrêter ici. Comme Élie au désert, couché sous son buisson, il pourrait dire: « Maintenant, Seigneur, c'en est trop! » (1R 19, 4). Mais non, il veut la boire, cette coupe, jusqu'à la lie. La volonté du Père, voilà sa nourriture, celle qui le fortifie. Il se relève pour Dieu, il se relève pour l'Homme, car « L'amour prend patience […] ; il supporte tout, […] il endure tout » (1Co 13, 4.7). Le mal peut s'acharner, « l'amour ne passera jamais » (1Co 13, 8).

10 / 14 Jésus est dépouillé de ses vêtements

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Si quelqu'un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. » (Mt 5, 40) Que reste-t-il au Christ qu'on ne lui ait encore pris? Son vêtement, son être, sa grâce, sa vie. À peine a-t-il posé le pied au Golgotha que les soldats lui enlèvent son habit. Vêtement lumineux au mont Thabor hier, robe rouge de sang maintenant au Calvaire. Retirant le manteau qui l'habille ici-bas, Jésus cède aux hommes sa propre dignité. Bientôt tiré au sort, un seul s'en empare, mais il est l'héritage de toute l'humanité. Revêtons donc le Christ, seul habit de noblesse, robe des fils de Dieu, héritiers du royaume.

11 / 14 Jésus est cloué sur la croix

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la bouche. » (Is 53, 7) Allongé sur la croix comme l'agneau sur l'autel, Jésus ouvre les bras, tend la main au bourreau. Ses membres sont liés, transpercés sur le bois, c'est l'heure du sacrifice, de la Pâque nouvelle. Vous tous qui avez soif et faim de la Justice, venez et rassemblez-vous pour ce repas pascal. Voici le pain vivant qui est venu du ciel, voici l'agneau de Dieu, qui se livre pour vous. Prenez, mangez-en tous, il est la nourriture qui vous donne la force d'avancer au désert. Broyé comme le blé, il se laisse pétrir pour nourrir ces foules affamées, ces foules privées d'amour.

12 / 14 Jésus meurt sur la croix

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« La voix du sang de ton frère crie vers moi depuis la terre. » (Gn 4, 10) Quel est ce cri du sang versé injustement? Ne réclamet- il pas vengeance? Ne serait-il pas juste que la colère de Dieu s'abatte sur les coupables? Mais la justice des hommes n'est pas celle de Dieu. Du haut de la croix, un cri s'élève vers le ciel: « Père, pardonne- leur ; ils ne savent pas ce qu'ils font » (Lc 23, 34). Parole renversante, presque incompréhensible pour celui qui mesure l'ampleur de l'offense, mais parole de paix. Par cet acte sublime, le Fils de Dieu fait homme porte un coup fatal à la haine, à la mort. Nous aimant jusqu'au bout, Jésus remet l'esprit.

13 / 14 Le corps de Jésus est remis à sa mère

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« Nu, je suis sorti du ventre de ma mère et nu j'y retournerai. » (Jb 1, 21) Celle qui avait bercé le Verbe fait chair reçoit au pied de la croix le corps du Christ. Marie pleure et ne veut pas être consolée. Son fils, son unique vient d'être sacrifié et nul ange n'est venu interrompre l'action. En transperçant le coeur de Jésus déjà mort, la lance s'est enfoncée dans le coeur de Marie. « Une mère peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de compassion pour le fils de ses entrailles? » (Is 49, 15) La douleur est immense mais Marie a la foi. Non, ce n'est pas en vain qu'elle a donné son fils. De cet unique enfant, elle obtient sous la croix une postérité plus nombreuse que les étoiles du ciel. Et toi qui lis ces lignes, je t'en prie, souviens-toi: « Voici ta mère! » (Jn 19, 27)

14 / 14 Le corps de Jésus est mis au tombeau

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© Jean-Paul Dumontier/La Collection

« N'éveillez pas, non, ne réveillez pas l'Amour avant qu'il ne le veuille. » (Ct 2, 7) Un grand silence tombe sur Jérusalem. La nature est sans voix, la cité est sans vie. Plus de volets ouverts, plus d'enfants dans les rues. Seul Joseph et Nicodème se chargent, sous le regard des femmes, d'ensevelir Jésus dans le tombeau. Avec hâte, on s'active pour finir d'embaumer son corps sans vie sur la pierre de l'onction. Parfum de l'Orient, nard précieux, huiles et myrrhe sont répandus sur sa dépouille mortelle. Endormi dans la mort, Jésus est déposé sur le linceul blanc et la pierre roulée. Tout est fini? Non, tout commence. Le grain de blé tombé en terre s'apprête à éclore.


Les auteurs du chemin de croix

Chemin de croix 2024
© DR

Sœur Marie Reine

Sœur Marie Reine vit à Jérusalem depuis 2021. Vierge consacrée du patriarcat latin de Jérusalem, elle collabore, au sein de l'École biblique de Jérusalem, au projet de recherche « La Bible en ses traditions », initié il y a une vingtaine d'années. Un immense travail de mise à disposition numérique des traductions des versions majeures de la Bible (Vulgate, Septante, Massoretique, Syriaque)annotées et commentées « comme une polyphonie. »

Chemin de croix 2024
© Collection privée

Diplômé des Beaux-Arts, Félix Oudin (1914-2011) trouve très tôt sa voie de sculpteur. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il explore le thème de la foi et réalise de nombreux objets usuels ou décoratifs, avec lesquels il se fait connaître. Les commandes s'en suivent, dont plusieurs chemins de croix. Celui-ci, en terre cuite, a été conçu en 1962 pour l'église Saint-Pierre du Dorat, en Haute-Vienne.

Commentaires

  • 29/03/2024 14:31 Répondre

    alex

    C'est tout à fait remarquable.
    Merci à vous Sœur Marie-Reine pour ce chemin de croix médité depuis la Terre Sainte que j'ai eu la chance de visiter en pèlerinage et les sculptures du sculpteur Félix Oudin. Je vous souhaite ma sœur une excellente fête de Pâques. Alexandra, fidèle lectrice de Pélerin.
  • 20/03/2024 19:20 Répondre

    ABM

    J'ai l'impression d'être parti là-bas et de vivre ces moments ensembles les détails des actions de chacun et les statues sont superbes leur expression même sans détail : on comprend ce dont il est question c'est une première pour moi. Il ne me reste plus beaucoup de temps
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