Le cardinal Pizzaballa prêt à prendre la place des enfants israéliens otages à Gaza

Par  Catherine Dupeyron

Publié le 18/10/2023 à 17h21

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Le cardinal Pizzaballa prêt à faire don de sa personne pour sauver des enfants israéliens otages à Gaza
© Tiziana FABI / AFP
Le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, vivant en Terre sainte depuis plus de trente ans, a offert de se substituer aux enfants israéliens retenus comme otages à Gaza. Portrait d'un homme de paix, au tempérament déterminé.

L'homme a toujours été hors norme; le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, n'a pas failli à sa réputation. Lundi, à la veille de la journée de «jeûne et de prière pour la paix et la réconciliation» du 17 octobre, dont il avait pris l'initiative, il a déclaré qu'il était prêt à prendre la place des enfants otages israéliens retenus à Gaza par le Hamas. «Je suis prêt à un échange, à n'importe quoi, si cela peut conduire à leur libération et au retour de ces enfants à la maison. Ma détermination est absolue», a rapporté l'Ansa, la principale agence de presse italienne. Un propos aussitôt repris par les médias israéliens qui connaissent bien ce dignitaire chrétien, parfaitement hébréophone et très impliqué depuis fort longtemps dans le dialogue interreligieux en Terre sainte.

Je suis prêt à un échange, à n'importe quoi, si cela peut conduire à leur libération et au retour de ces enfants à la maison. Ma détermination est absolue.

La détermination est une constante de la personnalité de Mgr Pizzaballa. Lors d'un entretien en 2004, alors que ce franciscain, venait d'être élu Custode  – une des plus hautes autorités religieuses chrétiennes de Terre sainte – par ses paires à l'âge de 39 ans, il se définissait lui-même comme «opiniâtre». C'est sans doute pour cela que Mgr Pizzaballa, élevé au rang de cardinal, le 30 septembre dernier, a également tenu à préciser lundi que «le Hamas a commis des actes de barbarie en Israël».

Cette précision avait été omise dans la déclaration commune faite dès le 7 octobre par les chefs religieux de Terre sainte dans laquelle le Hamas n'était même pas mentionné – un texte dont Mgr Pizzaballa était lui-même signataire mais insatisfait. Il s'est gardé de critiquer les autres Églises devant les médias, mais a néanmoins confié qu'il était «irrité» par le ton de cette lettre.

Enfin, il a précisé que le Saint-Siège avait proposé ses bons offices pour une médiation sur la question des otages, même si cela implique d'entrer en contact avec le Hamas ce qui, avoue-t-il, est très difficile.

Il a bien sûr aussi rappelé le sort dramatique de la communauté chrétienne à Gaza, qui compte quelques 1000 fidèles, dont 140 catholiques latins. «C'est la communauté qui souffre le plus et pourtant, ils ne se plaignent jamais» a-t-il déclaré.

Opiniâtre, le jeune Pierbattista l'a toujours été. Originaire d'un petit village près de Bergame (Italie), où la vie était rythmée par la religion, Pierbattista Pizzaballa a toujours su qu'il voulait être prêtre. À 6 ans, c'était déjà clair. À 11 ans, il demandait à ses parents d'entrer au séminaire. Refus. Mais c'était sans compter sur la détermination de l'enfant! Il est ordonné prêtre en 1990. Aussitôt, son supérieur l'envoie, contre sa volonté, faire ses études sur les saintes écritures à Jérusalem. «C'était très dur, la première Intifada n'était pas terminée. Je n'avais jamais vu un fusil de ma vie et le lendemain de mon arrivée, il y a eu 20 morts palestiniens. Quelques mois après, ce fut la guerre du Golfe. Voilà, c'était ça mon baptême en Terre Sainte!», confiait-il en 2004. Finalement, il n'a jamais eu envie de repartir. Après avoir étudié trois ans chez les Franciscains, il décide de continuer à l'Université hébraïque de Jérusalem, où il ne s'est jamais senti ostracisé «en tant que chrétien».

Cependant, «la première année fut horrible! À cause de l'hébreu. Mais, je suis tenace!», rappelait-il. Tellement tenace, qu'il sera professeur d'hébreu biblique à la Faculté franciscaine de sciences bibliques et archéologiques de Jérusalem, responsable de la publication du missel romain en hébreu, prêtre de la paroisse catholique hébraïque de Jérusalem en 1998, puis vicaire général de la communauté catholique hébraïque d'Israël avant d'être élu Custode par ses frères franciscains en 2004. À peine finit-il ce mandat en 2016, que le pape François le nomme administrateur du patriarcat latin et l'élève à la dignité d'archevêque pour, ensuite, le nommer en 2020 patriarche latin de Jérusalem, la plus haute autorité de l'Église catholique latine au Proche Orient. Il succède ainsi à Mgr Twal, jordanien et à Mgr Sabbah, palestinien, qui fut le premier patriarche latin arabophone.

En 2004, il nous confiait: «J'appartiens à cette terre, mais je ne serai jamais ni Israélien, ni Palestinien. Mais, parce que je ne suis ni l'un, ni l'autre, j'ai la liberté d'aimer les deux, sans condition. Et je veux le leur montrer.» C'est ce qu'il tente de faire aujourd'hui encore, même si la tâche est plus ardue que jamais.

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