Patrimoine religieux, confinement, quête de sens : comment expliquer une si forte hausse des baptêmes d'adultes ?

Christophe Chaland

Par  Christophe Chaland

Publié le 28/03/2024 à 11h29
Mise à jour le 28/03/2024 à 12h55

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Bapteme adulte catéchumènes
© Handout / VATICAN MEDIA / AFP
Le nombre d'adultes baptisés la nuit de Pâques n'a jamais été aussi élevé: ils sont plus de 7000 à recevoir le premier des sacrements de l'initiation chrétienne lors de la veillée pascale 2024, contre 4000 à 5000 chaque année depuis 2010. Pourquoi?

Sonia, baptisée en 2023, a une claire conscience de l'effet Covid: «Je suis croyante depuis trente-neuf ans, bien qu'issue d'une famille d'athées. Le Covid a été un détonateur. Je suis allée frapper à la porte du presbytère», a-t-elle témoigné pour le Service national de la catéchèse et du catéchuménat (SNCC).

La pandémie, qui expliquait la relative baisse du nombre de baptêmes en 2021 (3639), pour des raisons pratiques (difficultés pour réunir et accompagner les catéchumènes, réunir les familles lors des célébrations…), pourrait éclairer pour une part ce rebond inattendu du nombre de baptisés à Pâques. (Lire ici l'intégralité de l'étude)

«Dans les lettres que les catéchumènes adultes ont envoyé à leur évêque pour motiver leur demande de baptême, les temps de confinement imposés par le Covid-19 sont souvent apparus comme l'occasion de questionnements existentiels», confirme Catherine Chevalier, directrice du SNCC à la Conférence des évêques de France. Autrement dit, à la faveur d'un retrait imposé du cours ordinaire de l'existence, la pandémie aurait réveillé les interrogations de toujours. Les questions de vie et de mort, de l'existence d'un Dieu proche de l'humain, du sens de la vie, de l'indispensable fraternité humaine, de l'écologie. Comme lors d'une retraite, en quelque sorte, ce moment aurait permis la rencontre entre une quête personnelle et l'Évangile du Christ porté par l'Église, message de vie et d'espérance.

La durée habituelle du catéchuménat des adultes, deux ans, appuie cette interprétation: les baptisés de la vigile pascale sont entrés en catéchuménat en 2022, année du retour à une vie normale. Ce sont d'ailleurs beaucoup de jeunes adultes (+36% de 18-25 ans), et de nombreux adolescents (+ 50 %) qui ont frappé à la porte de l'Église, des classes d'âge où les questions existentielles se font particulièrement pressantes. «Dans un monde en quête de sens, le Christ et son Évangile parlent à des personnes qui n'en avaient jamais entendu parler. Nombreux attestent d'authentiques expériences de salut, de celles qui vous relèvent, vous rendent confiance, et vous rouvrent l'avenir», atteste Mgr Olivier Leborgne, évêque d'Arras.

bapteme

Une hausse de plus de 50% dans trois territoires ruraux

Comment interpréter le fait que les trois provinces ecclésiastiques où l'on observe une croissance de plus de 50 % des demandes de baptêmes (celles de Clermont, Dijon et Besançon), sont des territoires ruraux? Faut-il y voir un attrait pour le lien fraternel annoncé dans les communautés chrétiennes au nom du Christ («Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés», Jean 15,12) dans l'espace rural, où l'impératif de la solidarité est plus vif? Ces données parcellaires ne permettent pas de l'affirmer.

Le rôle du patrimoine religieux

Par quelles médiations les nouveaux chrétiens sont-ils venus vers le Christ? L'enquête du SNCC s'est intéressée pour la première fois en 2024 au rôle que pouvait jouer le patrimoine religieux dans les conversions d'adultes. L'église du village, tel calvaire, un monastère, un tableau, un vitrail, une fête villageoise en l'honneur d'un saint… Le patrimoine religieux, dont font partie aussi les célébrations liturgiques, porte la mémoire de la foi des générations du passé, et la rend en quelque sorte vivante. Cette mémoire longue a eu «un impact majeur», estime le SNCC à partir des réponses à un questionnaire auquel 261 équipes d'accompagnement en catéchuménat, représentant un tiers des diocèses, ont répondu. Parmi de nombreux témoignages variés, une personne évoque le clocher paroissial «comme si… le Seigneur est là, au milieu de ta vie». Le silence, l'ambiance paisible des églises, havres de paix, sont souvent cités pour leur rôle dans l'éveil à la foi. Venu par curiosité dans un monastère, un homme a demandé le baptême à 74 ans.

Le rebond dans le nombre de nouveaux baptisés amorce-t-il une évolution significative dans la vie de l’Église catholique? Il devrait pour cela être confirmé dans les prochaines années. Face à l'effondrement du nombre total de baptêmes depuis des décennies, les chiffres annoncés représentent peu de chose. D'autre part, l’Église peine à intégrer dans les paroisses ceux qui ont reçu le baptême à l'âge adulte: certains désertent les assemblées chrétiennes au bout de quelques années. Un défi dont les communautés catholiques prennent conscience, et qu'elles relèvent à travers des initiatives visant à resserrer la vie fraternelle avec les néophytes et à proposer des formations au long de la vie.

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