Ces initiatives remarquables pour faire découvrir le mobilier des églises aux jeunes

Faire découvrir le mobilier des églises aux jeunes
© Louise Allavoine pour Le Pèlerin

Anne Dillinger, conférencière, et des collégiens en visite à Saint-Séverin (Paris).

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Qu'est-ce qu'un ambon ? Un ciboire ? À quoi servait une chaire ? Face à l'effacement des « codes » de la culture chrétienne, associations et diocèses multiplient les initiatives pédagogiques, en partant d'une approche sensible : la contemplation du beau et la curiosité qui s'en suit.

Un jour, Pascale Moulier écoute un ami s'extasier face à une croix en fer forgé : « Regarde, dit-il, le forgeron a même représenté ses outils. » Archiviste du diocèse de Saint-Flour (Cantal), elle le détrompe : « Ce marteau, ces clous et ces tenailles sont les instruments de la Passion du Christ. » Pascale Moulier mesure, à l'aune de cette méprise, combien ses contemporains ont désormais « perdu les codes » de l'histoire religieuse, des symboles chrétiens et de l'usage des objets et mobiliers liturgiques.

« Depuis une trentaine d'années, “l'analphabétisme symbolique” – comme l'appelle le pape François – s'est accru à tel point qu'on assiste désormais à une rupture entre les générations, confirme le père Gautier Mornas, secrétaire des États généraux du patrimoine religieux, menés cette année par la Conférence des évêques de France (CEF). Cette rupture concerne non seulement la transmission de la foi mais aussi celle de repères que l'on juge toujours essentiels pour comprendre notre culture. »

Dans ce contexte difficile, il souligne deux éléments positifs : « Le goût pour la beauté perdure ; la curiosité semble d'autant plus vive que les gens sont conscients qu'ils ne savent pas. » Des leviers, selon lui, « sur lesquels travailler pour les accueillir et leur faire comprendre le sens de ces objets. »

Le père Mornas cite ainsi le rôle pédagogique annuel de la Nuit des églises : « Nous proposons un concert, une exposition, une conférence à un public qui va alors découvrir l'orgue, le retable ou la collection de chasubles. » Pas question de catéchiser, mais de donner des clés pour comprendre. « Les gens vont davantage dans les musées qu'il y a quelques décennies. L'installation d'œuvres et de mobilier d'artistes contemporains peut ainsi les amener à franchir le seuil des églises », renchérit Laurent du Mesnil du Buisson, président de l'association parisienne Art, culture et foi.

Faire découvrir le mobilier des églises aux jeunes
© photos Louise Allavoine pour Le Pèlerin

Une guide-conférencière des Trésors de Paris explique la symbolique de l'eau du baptême exprimée dans les vitraux de Jean Bazaine (1904-2001).

Raconter l'usage et le contexte

Au Musée d'art sacré, à Dijon (Côte-d'Or), si elle défend un projet tout à fait laïc, Florence Monamy, responsable du pôle Action en direction des publics, observe la même curiosité : « Pour chacune des pièces d'orfèvrerie comme pour les tableaux religieux, les statues, etc., nous prenons soin de resituer sur nos cartels l'objet dans son contexte d'histoire de l'art. Puis nous expliquons de la façon la plus accessible possible sa fonction dans le rituel ou les références à l'histoire religieuse, ces questions revenant souvent de la part de nos visiteurs. » Des visiteurs dont le nombre a d'ailleurs augmenté en 2023.

Convaincues de cette « attente croissante d'explications », Pascale Moulier et sa collègue Marie-Sophie Guéring, chargée de la communication au diocèse de Saint-Flour, ont lancé en 2020 « La minute patrimoine ». Il s'agit d'une capsule vidéo qui répond en moins de deux minutes à une question comme : qu'est-ce qu'une bannière de procession ? Un ex-voto ? Une cathèdre ? En prenant des exemples dans les églises du Cantal mais en faisant attention de s'adresser à tout l'Hexagone. Ainsi, 33 courts films sont disponibles sur différents réseaux sociaux, certains ayant dépassé les 10 000 vues !

Capter l'attention de tous

Les jeunes générations représentent un enjeu particulier. Pour les toucher, l'opération « Le plus grand musée de France », de la fondation La Sauvegarde de l'art français, propose à des scolaires de choisir un objet d'art à restaurer dans une église voisine de leur établissement.

À Paris, l'association diocésaine Les Trésors de Paris organise, elle, des circuits de visite. À l'église Saint-Séverin, dans le Ve arrondissement, Anne Dillinger, guide conférencière bénévole, interpelle son groupe : « Les enfants, savez-vous comment on appelle ce pupitre là-bas, où l'on lit les textes sacrés de la Bible ? » Les sixièmes du collège Sainte-Élisabeth qui l'entourent sèchent…

« Je vous donne un rébus », propose alors la jeune femme, relançant l'intérêt de son auditoire qui trouve alors facilement le mot « ambon ». « Une bonne méthode pour capter leur attention ! » sourit Anne Dillinger qui leur a aussi distribué les livrets-jeux édités par Les Trésors de Paris. Ils devront les remplir plus tard avec leur professeur en guise d'aide-mémoire.

« Nous leur faisons prendre conscience que ces objets ne sont pas disposés par hasard dans l'espace, qu'il existe une cohérence entre l'architecture et le mobilier, précise Florence de Langlais, présidente de l'association. Ainsi, le baptistère se trouve presque toujours placé côté nord, car le baptisé part des Ténèbres pour aller vers la Lumière. »

Plus difficile d'expliquer le sens d'objets qui ne servent plus : « Mais c'est l'occasion de raconter comment la liturgie a évolué au cours des siècles : autrefois le prêtre faisait résonner sa voix grâce à “l'abat-son”, le dais au-dessus de la chaire. Le mot les amuse, et ils vont retenir que tout ceci se passait avant l'invention des micros. »

Dans le cadre des États généraux du patrimoine religieux, Gautier Mornas, travaille, lui, à rapprocher, dans chaque diocèse, le service de la Pastorale des jeunes et la commission d'Art sacré. Dans l'espoir que cette opération suscite des vocations pour les métiers d'art et de patrimoine. Dans l'espoir aussi que la spiritualité des œuvres d'art touche certains au plus profond : selon une récente enquête de la CEF, de très nombreux adultes baptisés cette année ont commencé leur cheminement vers la foi après avoir été « saisis », « étonnés » par la beauté des églises et de leur contenu.

Zoom au cœur de l'église Saint-Séverin (Paris)

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Aigle lutrin

À partir de la période gothique, le lutrin est destiné à recevoir les livres des parties chantées des offices (les antiphonaires).

Ce pupitre s'orne souvent d'un aigle, symbole de la Résurrection, associé à l'évangéliste Jean.

Désormais plus utilisé pour le chant grégorien, il peut toujours servir lors des messes (ici, celui du chœur de Saint-Séverin, à Paris).

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Fonts baptismaux

L'expression vient de fontes - fontaines en latin - et s'applique à la cuve souvent placée dans l'angle nord-ouest de l'église ou dans une chapelle dédiée aux baptêmes. Cette cuve peut être en marbre (comme ici, à Saint-Séverin) ou en bronze, en béton, etc. Elle est toujours couverte pour protéger l'eau bénite.

Dans les premiers siècles de la chrétienté, on s'immergeait dans une piscine baptismale. À partir du IXe siècle, de grandes cuves sont installées dans les églises. Puis le rite du baptême par aspersion (ou infusion), initié au XIIe siècle, s'est imposé.

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Tabernacle

Cette petite armoire conserve le vase (ciboire) avec sa réserve d'hosties consacrées (le Saint-Sacrement). Elle est posée sur l'autel ou juste derrière, ou encore dans une chapelle dédiée, et signalée par une lampe allumée. Son nom vient du latin et signifie « tente », allusion à la « Tente de la rencontre » citée dans la Bible, où Moïse, au Sinaï, rencontre Dieu. Sur la photo, ce tabernacle ainsi que le reste du mobilier de la chapelle du Saint-Sacrement de l'église Saint-Séverin, est l'œuvre contemporaine en bronze du sculpteur Georges Schneider (1919-2010).

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Commentaires

  • 25/04/2024 08:26 Répondre

    Marie- Dominique

    Merci pour ces infos- rappels. Je me suis surprise à dire plusieurs fois " ah, oui, j'avais oublié " et pour cette initiation ludique aux enfants.
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