150 ans du Pèlerin : Les premiers pas d'un média populaire

Par  Yves Pitette

Publié le 12/06/2023 à 15h30
Mise à jour le 01/08/2023 à 11h31

Lecture en 3 min

Ajouter à votre selection

Les premiers pas d’un média populaire
© DR

Le Pèlerin a su se transformer en même temps que ses lecteurs.

En cent cinquante ans d’existence, Le Pèlerin, le plus ancien hebdomadaire de la presse française, a su traverser toutes les crises du pays.
couv

150 ans, ça se fête

En 2023, Le Pèlerin célèbre ses 150 ans! À cette occasion, toute l'équipe s'est plongée dans les archives de votre hebdomadaire pour vous raconter sa fabuleuse histoire. Remontez l'histoire à nos côtés en achetant notre hors série "150 ans! Une aventure de presse", en vente sur notre kiosque numérique. Cliquez ici pour y accéder.

En réalité, Le Pèlerin a eu deux naissances. Il a commencé en 1873, simple bulletin de liaison du Conseil général des pèlerinages, d'où son nom. Fin 1876, il rebondit grâce au savoir-faire du père assomptionniste Vincent de Paul Bailly, qui lui donna alors un "nouveau manteau": début janvier 1877, Le Pèlerin, – premier titre de ce qui allait devenir la Bonne Presse puis le groupe Bayard – toujours soucieux d'évangélisation, se transformait en hebdomadaire d'information s'adressant à un public catholique, familial et populaire. Ce qu'il est encore aujourd'hui, même si, au fil des années, il a énormément changé.

"Le père Bailly est ainsi passé de seulement 400 abonnements en 1877 à près de 40 000 en 1883 – parmi lesquels on va recruter les premiers abonnés de La Croix! s'étonne encore aujourd'hui le père Patrick Zago, conservateur des archives de la Province d'Europe de la congrégation de l'Assomption. Il est vrai que dès le début, ce fils d'imprimeur comprend qu'il faut publier de courts articles pédagogiques, accessibles aux milieux populaires qu'il veut reconquérir et faire une place importante à l'illustration. C'était un visionnaire sur le plan journalistique." Pour durer, malgré toutes les crises que la France a traversées, Le Pèlerin a su se transformer en même temps que ses lecteurs afin de ne pas perdre le contact avec eux. Et ce ne fut pas une mince affaire. Créé au moment où les partis anticléricaux arrivaient au pouvoir dans les premières décennies de la IIIe République, il fut d'abord très politique, violent même, dans sa volonté de défendre l'Église lors des grandes batailles laïques.

À l'époque de l'affaire Dreyfus, il joua même une partition antisémite aux antipodes des valeurs qu'il promeut aujourd'hui. "En 1928, explique le père Zago, le pape Pie XI demande au père Léon Merklen, un assomptionniste réformiste, de reprendre en main la Bonne Presse où trop de prêtres restaient impliqués dans le mouvement réactionnaire de l'Action française qui venait d'être interdit. La ligne éditoriale du Pèlerin et de La Croix se modifie pour accompagner les lecteurs vers une meilleure compréhension du monde moderne."

En 1935, sous l'influence d'un nouveau rédacteur en chef très engagé contre la montée du nazisme, le père Roger Guichardan, Le Pèlerin quitte le terrain politique et se consacre à la vie de la famille. Apparaissent alors des rubriques touchant à la maison, à la cuisine ou au jardin, et des pages "récréation" pas encore nommées "loisirs". Cette année-là, L'Almanach du Pèlerin, hors-série annuel, diffusé à 1 200 000 exemplaires, donne la mesure de l'influence considérable de l'hebdomadaire, surtout dans le monde rural. Les programmes de la "TSF", la radio, apparaissent en 1934 et, en mars 1938, la célébrissime bande dessinée Pat'Apouf du dessinateur Gervy.

Tandis que le père Guichardan s'engage dans la Résistance, Le Pèlerin suspend sa publication pendant l'occupation allemande, remplacé par Le Foyer, un titre apolitique, édité à Limoges, en zone libre. Il renaît en juin 1945, d'abord comme bimensuel, avec un tirage limité, car le pays manque de papier. Face aux nouveaux hebdomadaires catholiques nés avec l'après-guerre, plus en phase avec les jeunes générations, le magazine évolue afin de conserver sa position de leader. Il ne l'a jamais quittée en un demi-siècle, devançant toujours aujourd'hui ses confrères et concurrents La Vie et Famille chrétienne.

Dans une société de plus en plus sécularisée, le journal s'adapte. Pariant sur la qualité, il a largement ouvert ses pages à la photo d'actualité, étoffé ses rubriques Culture et Télévision, développé l'infographie et les grands reportages photos. Doté depuis 2004 d'un site Internet, présent sur Facebook et Twitter, il ambitionne toujours d'aider ses lecteurs à rester acteurs d'un monde de plus en plus complexe. Surtout, "l'hebdo positif" – son slogan de 1984 – s'attache plus que jamais à promouvoir un "journalisme de solutions", fidèle à l'espérance qui l'habite.

Les premiers pas d’un média populaire
© DR

Yves Pitette, ancien rédacteur en chef du journal La Croix, il s'intéresse de près à l'histoire du groupe Bayard, notamment du Pèlerin.

Commentaires

Vous devez vous pour déposer un commentaire