Shikoku, sur les chemins du « Compostelle japonais »

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Publié le 11/06/2020 à 09h23
Mise à jour le 20/07/2020 à 09h40

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© Fanny Arlandis
Les pèlerins effectuent ce périple par amour de la marche ou pour honorer un défunt. À l’image de Tomoko, 56 ans, qui marche seule et accomplit le pèlerinage par étapes, à raison de quelques jours par mois. Elle porte à son poignet gauche la montre trop grande de son mari Moriyuki, décédé il y a quatre ans. « Je marche pour lui. Et lui marche avec moi », confie-t-elle.
La plus petite des quatre grandes îles japonaises accueille chaque année des milliers de pèlerins. Une boucle d’environ 1 200 km relie 88 temples sur les traces de Kūkai, fondateur du bouddhisme shingon.
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Les henro (le nom donné aux pèlerins) effectuent le tour de l’île, dans le sens qu’ils veulent, seuls ou en groupe, à pied, à vélo, en voiture ou en bus. Ces derniers mois, la pandémie a paralysé le pèlerinage et de nombreuses auberges ont temporairement fermé leurs portes. Mais depuis la mi-mai, et alors que l’île comptait sept morts et 150 cas (au 17 mai 2020), des pèlerins reprenaient doucement la route.

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Certains temples offrent le gîte mais la plupart des marcheurs passent la nuit dans des ryokan (auberges traditionnelles) ou des minshuku (chez l’habitant). Ihala, 60 ans, gère la sienne depuis vingt ans d’une main de maître. À l’entrée, une table garnie d’ o-settai (offrande de fruits, boissons, gâteaux) accueille le visiteur. Cette pratique de la charité, particulière à Shikoku, fait partie des coutumes locales depuis des siècles.

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Le marcheur trouve son chemin grâce à des autocollants rouge et blanc représentant des flèches ou un pèlerin avec son bâton de marche. De petites statuettes en pierre, crâne rasé, jalonnent également les sentiers de l’île. Ces jizô , généralement coiffés d’un bonnet et d’un bavoir rouge en coton ou en laine, représentent un bouddha censé protéger les enfants, mais aussi les voyageurs.

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Au Japon, peut-être plus qu’ailleurs, l’habit fait le moine ! Comme Mineru et Kyoko, la plupart des henro se différencient du simple randonneur par leur apparence. Ils arborent un chapeau en paille, une veste blanche pour symboliser le deuil et le renoncement à l’ancienne vie, et un rosaire de perles qui représentent les passions dont chacun doit se défaire pour atteindre l’illumination.

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Carré et orné d’une clochette, le bâton en bois est l’incarnation de l’esprit de Kūkai, le moine à qui est dédié le pèlerinage, marchant au côté du henro . Il porte gravé sur sa longueur : « Dogyo ninin », « voyager à deux ». Il servait autrefois de stèle funéraire à ceux qui décédaient en chemin.

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Kūkai, que Mayomi et Mayomi (les deux femmes ont le même prénom) photographient, a fondé l’école Shingon, à Shikoku, au IXe siècle. Cette forme ésotérique du bouddhisme constitue une synthèse des pratiques d’un bouddhisme multiforme qui se développait au Japon depuis le VIe siècle. « Pour les shingon, résumera un moine, Bouddha est en chacun de nous et n’importe qui peut devenir Bouddha au cours même de sa vie. »

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À Shikoku, les henro gravissent des montagnes, traversent des forêts, des champs de riz ou de cosmos, des vergers de kakis ou d’agrumes, arpentent des tunnels et longent des routes nationales. Le trajet s’étend sur quatre provinces qui symbolisent le cheminement intérieur : l’éveil, l’ascèse, l’illumination et le nirvana.

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Dans chaque temple, le même rituel. Le pèlerin purifie ses mains et sa bouche avec l’eau d’une fontaine avant de se rendre successivement devant deux temples, l’un dédié à Bouddha, l’autre à Kūkai, pour y allumer une bougie, trois bâtons d’encens et prier. Yano, 70 ans, effectue son second pèlerinage. « Comme je perds la vue, il fallait que je me dépêche. »

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Senyu-ji, tenu par le moine Kensho, est le seul des 88 temples à développer l’agriculture. Ce jushoku (maître du temple) rêve d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et milite depuis plus de vingt ans pour l’inscription du pèlerinage au patrimoine mondial de l’Unesco. « Le bouddhisme nous apprend à emprunter tous les chemins qui s’offrent à nous », explique-t-il.

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Circulaire, le pèlerinage de Shikoku n’a ni début ni fin. Chaque pèlerin porte avec lui un carnet, similaire à la crédentiale de Saint-Jacques-de-Compostelle, dans lequel il fait apposer dans chaque temple le nom de ce dernier calligraphié en noir et trois tampons rouges. Beaucoup terminent ensuite leur périple au mausolée de Kūkai, situé au Koyasan, sur l’île principale de Honshū.

Fanny Arlandis (textes et photos)

skikoku pelerinage ok copie

Commentaires

  • 23/10/2020 11:17 Répondre

    BOUCHER

    Après avoir atteint, St Jacques de Compostelle, par 3 chemins différents, je rêverais d'effectuer, ce pèlerinage, mais, je crains, que mon âge, (75 ans), soit un obstacle?
    QU'en pensez-vous?
    Marie-Odile
    • 14/03/2023 19:47

      Kumano-Kodo-Compostelle

      Bonjour Marie-Odile,


      Tant que vous pouvez marcher ....Vous pouvez aussi considerer LE chemin de Compostelle Japonais qui n'est pas Shikoku mais Kumano-Kodo.Il sera moins difficile selon les chemin choisis.https://www.facebook.com/kumanofrench/
  • 19/10/2020 05:45 Répondre

    Jerome Robert

    Shikoku ?
    Après cette lecture, je suis déjà partant et ce que dis Jacques sur les difficultés de communication ne me gêne pas puisque c’est Dieu et Boudha qui guident nos pas. Et vous , êtes vous partante ? Je recherche une compagne de route tonique , joli cœur et pas trop bavarde, Jérôme
  • 05/10/2020 07:18 Répondre

    JP Libellule

    Après avoir fait le chemin de Vezelay à St Jean Pied de Port , et cette année du Puy en Velay à St Jean PP... Je repartirai , avec espoir sur le Chemin d'Arles l'année prochaine...Je n'ai qu'une chose à vous dire ...allez Y...n'ayez pas peur...faites le en plusieurs années si vous voulez ...mais faite le ! croyants ou non...vous serez transformé...apaisé...vous vous trouverez ...enfin...
  • 05/07/2020 09:02 Répondre

    colas jacques

    C'est un pèlerinage inoubliable, je l'ai effectué en totalité en 2013 et du temple n° 70 au n°88 en 2017.
    L'accueil est merveilleux, la communication difficile, on perd tous ses repères habituels, mais c'est un périple fantastique, nous sommes sur une autre planète.
    N'hésitez pas...
    Jacques.
  • 02/07/2020 08:00 Répondre

    Clique clac #151 | Chassimages

    [&#8230;] bouddhiste. Elle en est revenue avec les pieds endoloris (1200 km de marche en 42 jours) et une foule d&rsquo;images et d&rsquo;histoires sur les henro [&#8230;]
  • 11/06/2020 14:17 Répondre

    Labadie

    bonjour
    votre reportage sur le pèlerinage au Japon tombe à point. Nous venions de parler de celui de Compostelle avec un ami. Il me disait qu'il pensait de plus en plus à partir l'effectuer. Cela me tente également.
    Votre article donne même envie de suivre les pèlerins japonais. Rien que pour y découvrir les paysages et les coutumes.
    Comme quoi le sens de l'hospitalité est présent partout ! Et c'est tant mieux.
    Continuez ces articles reliés à des photo. Les mots ne montrent pas tout mais complètent aisément les photos.
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