À Poitiers, un prêtre lance Frère Truck, un food-truck solidaire

Par  Thérèse Thibon

Publié le 18/04/2024 à 14h27
Mise à jour le 19/04/2024 à 14h56

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© Thérèse Thibon

La crêperie solidaire propose des prix qui défient toute concurrence: 50 centimes la crêpe nature et 1€ celle au sucre ou à la confiture.

Une fois par semaine, le père Matthieu Le Merrer ouvre son camion-crêperie pour aller à la rencontre des habitants de Poitiers. Une initiative solidaire qui suscite la curiosité et l’échange.

Les deux crêpières fument. L'odeur titille les papilles, l'heure du goûter est proche. Derrière les fourneaux situés dans cette remorque aménagée en cuisine ambulante, le père Matthieu Le Merrer, tablier orange fuchsia noué dans le dos, s'active: l'heure de servir les clients approche.

Pour la troisième semaine consécutive, le curé poitevin ouvre les portes de «Frère Truck», crêperie solidaire et itinérante dont le nom fait référence au célèbre moine du dessin animé Robin des Bois. «Lors de mon ordination, l'évêque avait posé une question: que sera l'Église dans dix ans? se remémore le prêtre de 39 ans. En 2022, dix ans après, je comprends qu'énormément de choses ont évolué. Une solution pastorale qui va tout révolutionner et attirer les fidèles en nombre est difficile à imaginer. J'ai voulu mettre en œuvre une action modeste pour favoriser la rencontre avec un public large.» Avec ce défi, le père Matthieu Le Merrer tient également à diversifier ses missions. «La célébration des sacrements demeure la source et le sommet de ma vocation mais l'Église doit aussi aller vers l'autre. Cette crêperie incarne une petite porte supplémentaire pour notre paroisse qui s'ouvre.»

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© Thérèse Thibon

Pour élaborer sa recette, le père Matthieu Le Merrer a glissé un ingrédient secret, transmis de son arrière-grand-mère: quelques pincées de farine de blé noir.

De fait, le prix des crêpes a de quoi attirer: 50 centimes pour une «nature» et 1€ pour celles au chocolat, caramel, sucre ou confiture. Le principe des crêpes suspendues, payées à l'avance et offertes à un client qui n'en aurait pas les moyens y est largement pratiqué.

Pour lancer l'aventure, le père Matthieu, d'un naturel discret, a constitué une équipe de dix proches amis et paroissiens. «Au début j'ai cru qu'il plaisantait», confie en riant, Anaëlle, charlotte de protection sur la tête, membre de l'association venue donner un coup de main pour le service du jour. Mais la détermination de celui qui est également aumônier de plusieurs groupes scouts a rapidement convaincu. Grâce à une collecte de dons, l'aventure a été officiellement lancée le 2 février 2024, jour de la Chandeleur.

Un lieu de rencontre pour les habitants

En face de l'église Saint-Cyprien, dans le quartier des Trois-Cités de Poitiers, les gourmands se pressent en ce mercredi de vacances de printemps. Au premier abord, le food-truck paraît classique, seule une icône de Taizé donne un indice sur sa vocation évangélique. Petite croix en forme de T autour du cou, le curé veut faire de cet endroit un lieu où tout le monde se rassemble. En citant l'un des passages de l'Évangile qu'il affectionne particulièrement «ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits»*, Matthieu reste pensif: «On associe le prêtre à celui qui parle mais mon rôle est avant tout d'écouter.»

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© Thérèse Thibon

Les dégustations au pied du camion facilitent les rencontres.

Des rencontres privilégiées

D'ailleurs, en attendant sa commande, un jeune homme, bob sur la tête, interroge: «Et vous faites ça bénévolement, à côté de votre travail?» Apprenant que le cuisinier au large sourire est prêtre, la surprise se lit sur son visage. Il conclut: «Je pourrais vous faire une illustration: frère truck en version fantastique si ça vous dit.» L'élan de solidarité porte largement ses fruits. Bientôt, le camion revêtira sa couleur orange et le logo de l'association, un service également offert par un habitant du quartier.

Quelques minutes plus tard, un couple et leur petit garçon s'approchent timidement. «On vous prendra trois crêpes… et est-ce que vous accepteriez de nous rencontrer? Nous envisageons de faire baptiser notre garçon qui a 3 ans», souffle la jeune maman. Avant d'ajouter: «Nous sommes un couple mixte: je suis catholique, mon mari est athée.» Dans les bras de son papa, le petit Paul tend les mains vers son quatre-heures. La famille s'assoit à quelques mètres de là, sur un banc public, les deux parents s'accordent: «Venir prendre une crêpe constitue une première rencontre avec l’Église qui brise la glace naturellement.»

À la fin de la journée, les dernières commandes de douze sont empaquetées. Une fois de plus, le succès a été au rendez-vous. Quelques sorties sont encore prévues avant la pause estivale… et la bénédiction du camion Frère Truck qui envisage déjà de rouler vers de nouveaux quartiers.

*Évangile selon saint Matthieu, chapitre 11, verset 25

Retrouver les dates de tournée et les informations sur Frère Truck sur sa page Facebook

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