À bord du Belem, des jeunes reprennent confiance en eux pour revenir vers l'emploi

Par  Henri Frasque

Publié le 14/04/2024 à 13h31
Mise à jour le 14/04/2024 à 15h31

Lecture en 4 min

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À bord du Belem , l'insertion à la barre
© Henri Frasque pour Le Pèlerin

Les jeunes, comme Chloé, participent à toutes les tâches essentielles comme celle de tenir la barre.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Le dernier grand trois-mâts français du XIXe siècle encore naviguant embarque des jeunes en insertion pour un à trois jours en mer. Objectif : leur transmettre des valeurs d'entraide et de solidarité, et leur donner confiance en eux.

Allez, on tire ! Au commandement de Claire Bouillet, gabière instructrice, Ichem, Samuel, Jade et Margot s'emploient d'un même élan sur leur cordage. À plusieurs mètres au-dessus du pont, une voile se déploie lentement sur son mât. La scène se déroule à une dizaine de kilomètres au large de la côte méditerranéenne, entre Marseille et les Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône), sur le pont du Belem . Claire est l'un des seize membres d'équipage de ce superbe trois-mâts du XIXe siècle, le dernier encore en activité en France. Et les moussaillons sous ses ordres sont des jeunes de Montpellier, Alès et Sète, pour la plupart en recherche d'emploi, suivis par des écoles de la deuxième chance ou des missions locales d'insertion, et invités par la Caisse d'Épargne, mécène du navire, qui finance l'opération. Ces trente jeunes, tous volontaires, et leurs accompagnateurs, ont embarqué à Antibes (Alpes-Maritimes) la veille pour vingt-cinq heures de navigation. Cap sur Sète (Hérault) !

Tous ces jeunes stagiaires ont des parcours très divers, mais un point commun : ils se cherchent encore. Jade, 23 ans, un CAP d'esthétique en poche, voudrait changer de voie. Margot, 22 ans, qui a abandonné ses études de droit en région parisienne, hésite entre des études littéraires et un engagement dans la Marine nationale. Ichem, 21 ans, qui a travaillé dans la restauration et la sécurité, économise pour « acheter un van et faire le tour du monde ». Tous ont les yeux qui brillent : « Ma famille ne pourrait jamais m'offrir ce voyage », s'émerveille Samuel, 23 ans.

À bord du Belem , l'insertion à la barre
© Henri Frasque pour Le Pèlerin

Sur les 51 mètres de long du bateau-école Le Belem cohabitent 64 hommes et femmes.

À bord du Belem , l'insertion à la barre
© Henri Frasque pour Le Pèlerin

Le maître d'équipage, Jean-Baptiste Leost, détaille la carte maritime aux stagiaires.

Outil pédagogique

À bord, les jeunes stagiaires se plient sans sourciller aux contraintes de la vie sur un navire de 51 mètres de long, où doivent cohabiter soixante-quatre personnes. Pour dormir, prière de se faufiler sur une étroite couchette de marin, la bannette. « Retenez bien votre numéro », recommande le capitaine en second, Thomas Perrin. « Il correspond au radeau que vous devrez utiliser en cas d'abandon du navire ! » Les repas se prennent à heure fixe. Trois stagiaires se sont levés à 6 h 30 pour préparer le petit-déjeuner de 7 h 30. Tous participent ensuite, avec plaisir, aux exercices de sécurité, puis aux nombreuses manœuvres pour déployer une à une les vingt-deux voiles du Belem.

« Le Belem est un outil pédagogique hyperadapté pour la découverte de la vie en collectivité », assure son capitaine, Mathieu Combot. « Les 300 jeunes en insertion que nous avons accueillis à bord depuis le début de l'année 2023 sont comme n'importe quel stagiaire : ils font partie de l'équipage. » Ils sont même indispensables : les seize marins professionnels du Belem , seuls, ne pourraient pas manœuvrer ce géant à la voile.

Les séjours durent entre un à trois jours. Suffisant, selon le commandant, pour leur transmettre des valeurs « d'entraide et de solidarité ». Ils apprennent aussi « le fait d'être attentif à chaque situation, car la sécurité, en mer, s'avère primordiale ». La plupart d'entre eux n'ont jamais navigué. « On les sort de leur zone de confort. Même des profils un peu rebelles, on arrive à les cadrer très rapidement. »

À bord du Belem , l'insertion à la barre
© Henri Frasque pour Le Pèlerin

À gauche, Samuel, 23 ans, veille à la proue du bateau.

Flamme olympique à babord

« J'ai aimé la cohésion d'équipe », s'enthousiasme Alexis, 20 ans, qui se demande s'il ne va pas suivre une formation pour devenir marin plutôt que de faire un BTS informatique. « Ils ne vont peut-être pas tous se lancer dans la navigation, mais ils découvrent qu'il y a beaucoup de métiers sur un bateau », sourit Soumaila Koly, animateur à l'École de la 2e chance (E2C) de Montpellier (Hérault). Béatrice Brisé, de la Mission locale d'insertion des jeunes du bassin de Thau, souligne qu'ils pourront « faire valoir cette expérience quand ils rechercheront un emploi ».

« Cette expérience nous a permis de comprendre qu'ensemble, on est capable de faire des choses qu'on n'imaginait pas », témoignent des stagiaires de l'E2C de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), après leur voyage sur le Belem au printemps 2023. « La clé de tout, c'est la confiance en soi », confirme Natalie Lapertot, directrice de l'E2C d'Orléans (Loiret). « Nous accompagnons des jeunes en situation d'échec qui ont besoin de reprendre confiance en eux. » L'expérience a aidé un des jeunes stagiaires, Lucas, passionné par la mer, à lutter contre sa timidité. Il a été sélectionné pour faire partie des quatorze éclaireurs qui escorteront bientôt la flamme olympique en France, depuis la Grèce, à bord du Belem .

À bord du Belem , l'insertion à la barre
© Henri Frasque pour Le Pèlerin

Hélène Decock, l'une des gabières instructrices, transmet le savoir-faire des marins aux stagiaires.

Les recettes du succès

  • Un équipage professionnel. Un équipage jeune et mixte de marins civils formés à la navigation de commerce conduit Le Belem . En plus de leurs compétences de marins, ils ont été recrutés pour leurs qualités d'accueil et de pédagogie.
  • Le travail d'équipe. L'équipage professionnel, seul, ne suffirait pas à faire manœuvrer le Belem à la voile. L'aide des stagiaires est donc indispensable à la bonne marche du navire. À condition de tirer tous ensemble, en équipe, sur les cordages!
  • Le mécénat. La Caisse d'Épargne Cepac, via la Fondation Belem Caisse d'Épargne, a réhabilité le trois-mâts.

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