Charleville-Mézières : mieux trier ses déchets pour éviter une hausse de taxes, un pari réussi

Anaïs Brosseau

Par  Anaïs Brosseau

Publié le 21/03/2024 à 14h30
Mise à jour le 21/03/2024 à 15h53

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© Kevin Reitz pour Le Pèlerin

Yanick Lecourtier, ambassadeur du tri pour Ardenne Métropole.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Les habitants de cette agglomération ardennaise ont évité une hausse des taxes en baissant la quantité de leurs ordures ménagères de 20 % en deux ans.

Depuis que je trie, je me rends compte que ma poubelle noire est beaucoup moins remplie. En revanche, la jaune déborde très vite. À Nouvion-sur-Meuse (Ardennes), bourgade située près de Charleville-Mézières, Nelly a une organisation rodée. Une fois sa poubelle jaune pleine, elle stocke ses emballages à recycler dans le garage. Et son père se charge de glisser le verre dans la borne de tri. Mais l'Ardennaise ne maîtrise pas encore toutes les consignes.

« L'aluminium va dans la poubelle jaune, les bouchons en plastique aussi. Et pensez à aplatir les bouteilles plutôt que de les écraser en boule », rappelle Yanick Lecourtier, au cours d'un porte-à-porte organisé ce jour-là. Au côté de sa collègue Nathalie Sartelet, l'ambassadeur du tri d'Ardenne Métropole appuie son discours d'explications pour que la locataire comprenne l'intérêt de ses gestes.

Depuis septembre 2021, les 57 communes de l'agglomération de Charleville-Mézières et Sedan se sont lancé un objectif : réduire de 8 000 tonnes leur volume de déchets (ordures ménagères et encombrants confondus) d'ici à 2025. « Nous avons anticipé la hausse de la taxe sur les déchets, qui va passer de 17 euros la tonne en 2019 à 65 euros en 2025 », retrace le président de la communauté d'agglomération, Boris Ravignon, qui souhaitait pouvoir tenir son engagement de ne pas augmenter la fiscalité. Grâce à une vingtaine de mesures - dont la création de postes d'ambassadeur du tri pour sensibiliser la population - et une large campagne de communication, l'objectif a été atteint dès le 31 décembre 2023. Et la « taxe poubelle » payée par les habitants n'a pas évolué.

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© photos Kevin Reitz pour Le Pèlerin

Le vice-président de l'agglomération chargé des déchets, Jean-Luc Claude, également maire de Nouvion-sur-Meuse.

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© photos Kevin Reitz pour Le Pèlerin

Chaque foyer peut recevoir, gratuitement, un composteur, un bio-seau et un guide pratique.

8 240 composteurs distribués

Quelques heures plus tôt, Yanick Lecourtier remettait à Michel, septuagénaire, un composteur en kit, un bio-seau et un guide des rudiments du compostage. Depuis 2019, la métropole en a distribué 8 240. Autre distribution : 220 ménages ont déjà adopté gratuitement des poules, depuis 2020. Peach et Daisy ont ainsi rejoint l'an passé le jardin de Chrystèle, à Sedan. « Je leur donne les restes de la table : légumes, pâtes, riz, gras de viande… » De quoi alléger la poubelle d'ordures ménagères, puisqu'une poule peut ingérer 150 kg de restes alimentaires par an.

Mesure phare du programme, depuis deux ans, les camions poubelles n'interviennent plus que toutes les deux semaines - sauf en centre-ville de Charleville-Mézières et Sedan et dans les quartiers d'habitats collectifs, où la collecte s'opère chaque semaine. La mesure fait grincer des dents, contraignant les citoyens à revoir leurs habitudes. « Ils ont l'impression qu'on leur demande de faire plus alors qu'ils payent autant, reconnaît Jean-Luc Claude, vice-président de la métropole, chargé des déchets. Il faut leur faire comprendre que sans ça, ils paieraient davantage. »

Dans les espaces réduits des immeubles, l'équation se complexifie. Alors l'agglomération travaille avec les bailleurs sociaux. « Nous sommes en train de supprimer les vide-ordures, qui n'incitent pas au tri. Et lorsque le bailleur rénovera une cuisine, il installera une poubelle à trois contenants », illustre Jean-Luc Claude. Comme les déchets compostables représentaient, en 2021, 79 des 200 kg annuels de déchets évitables par habitant d'Ardenne Métropole, la collectivité a fait installer une trentaine de composteurs collectifs au pied d'immeubles et une trentaine d'autres sur des communes volontaires. Une manière de faciliter l'adoption de ce nouveau geste à ceux qui ne possèdent pas de jardin.

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© photos Kevin Reitz pour Le Pèlerin

Les poules, nouvelles auxiliaires municipales.

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© photos Kevin Reitz pour Le Pèlerin

Yanick Lecourtier conseille le public sur les bonnes pratiques en matière de retraitement des déchets, comme ici auprès de Nelly.

Une ressourcerie en prime

Du côté des encombrants, les particuliers sont sensibilisés dès leur arrivée en déchetterie. « Il faut se battre pour les faire trier. Ils ont le réflexe de tout mettre au tout-venant », souffle Nathalie Sartelet, qui constate au quotidien que la marge de progression reste grande. Pour prolonger la vie des objets, une ressourcerie a par exemple ouvert en novembre à l'entrée de la déchetterie du Waridon. Y sont réceptionnés les objets réparables ou réutilisables en l'état (électroménager, textile, jouets, mobilier…). Un autre tiers-lieu similaire devrait ouvrir dans l'année.

Galvanisé par un objectif atteint plus tôt que prévu, le service des déchets de la communauté d'agglomération s'est fixé en interne un nouvel objectif : atteindre une baisse de 10 000 tonnes, par rapport à 2021, d'ici à deux ans. « On pourrait réduire les prélèvements si on collectait moins », glisse le président d'agglo, Boris Ravignon, qui espère pouvoir concilier efficacement écologie et pouvoir d'achat.

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© photos Kevin Reitz pour Le Pèlerin

Une soixantaine de composteurs collectifs ont été installés, dont deux devant le site du service prévention et collecte des déchets.

Les recettes du succès

  • Des règles claires. Où jeter quoi? Dans quelle poubelle? Que déposer à la déchetterie? Qu'est-ce qui est réutilisable? Autant de questions quotidiennes auxquelles il faut répondre avec clarté.
  • Des habitants impliqués. La collectivité a multiplié les initiatives pour impliquer les habitants: ateliers thématiques au pied de HLM, défifamille zéro déchet, composteurs collectifs…
  • Des outils simples. L'agglomération a lancé une application mobile qui permet, entre autres, de géolocaliser les bornes de tri près de chez soi. Elle a aussi distribué des mémos et des sacs de précollecte sur lesquels les consignes sont imprimées.

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