JO 2024 : qui a le droit de chanter du Édith Piaf ?

Eyoum Ngangue

Par  Eyoum Ngangue

Publié le 09/05/2024 à 15h31

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© KRISTY SPAROW /GETTY IMAGES VIA AFP - PHOTO12

Aya Nakamura, pressentie pour chanter l'Hymne à l'amour d'Édith Piaf, lors de l'ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Quatre points pour mieux comprendre la carrière, reconnue à l'international, de la chanteuse française Aya Nakamura.

Fin février, l'hebdomadaire L'Express révélait que la chanteuse Aya Nakamura avait été reçue à l'Élysée, le 19 du même mois, par le président de la République. À la question de ce dernier lui demandant quelle était sa chanson préférée, elle a répondu : l'Hymne à l'amour, d'Édith Piaf. Emmanuel Macron aurait alors émis le souhait de la voir interpréter ce tube lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, le 26 juillet prochain. Il s'est ensuivi une bronca dans les médias et sur les réseaux sociaux contre cette hypothèse que ni le chef de l'État ni la chanteuse n'ont confirmée à l'heure où nous bouclons ce numéro. Voici quatre clés pour faire la part des choses.

1. Un débat d'arrière-garde ?

Des torrents d'insultes ont été déversés contre la chanteuse sur les réseaux sociaux sous couvert d'anonymat, tandis que plusieurs personnalités ont fait part publiquement de leur opposition au projet. « Quand je regarde le texte de ses chansons, je trouve qu'on est assez loin des représentations de notre pays », a indiqué le président du Sénat, Gérard Larcher. L'écrivain Éric Naulleau estime, lui, que « cette demoiselle est la vulgarité incarnée et chante dans une bouillie de français ». Face à cette hostilité à caractère raciste dans certains cas, le chanteur Benjamin Biolay, pour ne citer que lui, fait valoir qu'Aya Nakamura chante vraiment bien Piaf. Et rappelle que, jadis, on fustigeait bien le javanais, l'argot ou le verlan qui font de nos jours la richesse du français oral. Pour la vulgarité, il faudrait aussi relativiser. Georges Brassens qui se présentait comme « le pornographe du phonographe » fut blâmé en son temps par « les dragons de vertu ». Aujourd'hui, des écoles, des squares, des bibliothèques portent son nom.

2. Une Française reconnue à l'international

Née à Bamako (Mali) le 10 mai 1995, Aya Coco Dianoko arrive en France à quelques mois. En 2017, elle choisit son nom d'artiste en référence au personnage japonais d'une série télévisée américaine, Hiro Nakamura. Sa musique est un mélange de RnB, pop et afropop, dont les codes, notamment dans des clips parfois suggestifs, ont pu laisser penser à des observateurs peu connaisseurs du genre qu'il s'agit d'obscénité. C'est une chanteuse déjà reconnue à l'international qui opte pour la nationalité française en 2021. En phase avec l'universalisme voulu par Pierre de Coubertin, Aya Nakamura apparaît aussi légitime pour chanter Piaf que d'autres artistes tels Madonna, Lady Gaga ou Iggy Pop. Ou comme la soprano américaine Jessye Norman qui interpréta la Marseillaise lors du bicentenaire de la Révolution française (provoquant en 1989 de rares critiques) ou la Béninoise Angélique Kidjo associée à la célébration des 100 ans de l'Armistice, en 2018, sans susciter une telle volée de bois vert.

3. Un CV éloquent

Sacrée « artiste féminine » lors des Victoires de la musique 2024, Aya Nakamura est « notre artiste la plus vendue à l'étranger », rappelle Benjamin Biolay. C'est aussi la chanteuse francophone la plus écoutée en ligne (via Internet). Début mars, elle cumulait plus de 6 milliards d'écoutes sur Spotify et 3,5 milliards sur la plate-forme YouTube, où elle compte 7,5 millions d'abonnés. Huit de ses tubes ont été certifiés singles de diamant (plus de 50 millions d'écoutes chacun). Dans cet inventaire non exhaustif figure un autre record très en rapport avec son éventuelle prestation aux JO de Paris. En 2018, aux Pays-Bas, son morceau Djadja s'est hissé en tête des ventes, une performance qui n'était pas arrivée depuis 1961 pour une chanson française : l'incontournable Non, je ne regrette rien, d'une certaine Édith Piaf.

4. Une filiation avec « La môme »

Catherine Glavas et Christie Laume, légataires universelles d'Édith Piaf, ont déjà accordé les autorisations d'interprétation de l'Hymne à l'amour pour la cérémonie des olympiades de Paris. Elles estiment qu'Édith Piaf « aimait les filles avec de la personnalité et était très concernée par l'international ». Deux critères que remplit Aya Nakamura. En réponse à ses détracteurs, la chanteuse franco-malienne au langage sans détour a sorti officiellement sa chanson Doggy : « J'ai pas d'ennemis moi, c'est eux qui m'aiment pas/un tas d'ennemis, mais j'les connais même pas… » À son époque, Édith s'était montrée tout aussi directe face à ceux qui la critiquaient. En témoignent ces paroles d'un tube resté célèbre : « J'm'en fous pas mal/Il peut m'arriver n'importe quoi… Mais ce que les gens pensent de vous, ça m'est égal/J'm'en fous ! »

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