Exposition. « La France sous leurs yeux » : 200 photographes documentent notre pays aujourd'hui

Ils ont le glamour d'un couple hollywoodien. Chevelure blond platine, tête renversée en arrière, Gisèle, 75 ans, embrasse son compagnon, sous les spots rosés d'un thé dansant de la capitale. Cette image de seniors qui ont la flamme, tirée de la série Stayin' Alive, de Julie Glassberg, est l'une des pépites de l'exposition « La France sous leurs yeux », présentée à la Bibliothèque nationale de France, à Paris. Grâce à une commande publique lancée en 2021, la plus grande de ce type en Europe avec un budget de 5,46 millions d'euros, l'institution a intégré à ses collections 2 000 clichés réalisés par 200 photographes sur le thème de notre pays aujourd'hui, et en propose une sélection de 500 tirages.

Libertés, égalités, fraternités

Pour faire dialoguer autant de points de vue, jalonnant tout le territoire jusqu'aux confins ultramarins, le parcours se structure autour de la devise républicaine. « Nous avons passé au pluriel le trio liberté(s), égalité(s), fraternité(s), augmenté d'une partie sur les potentialités », précise la cocommissaire Héloïse Conésa. À une époque où les disparités s'accentuent, chaque valeur trouve à s'exprimer tout en étant remise en question. Ainsi, au rang des « Libertés », une frange de la jeunesse, portraiturée par Philippe Labrosse, bat le pavé pour les causes qui lui tiennent à cœur, notamment la protection de l'environnement, tandis que les adolescents suivis par Jérôme Gence à Lyon (Rhône) ou à Poitiers (Vienne) se laissent parfois enfermer dans le piège du tout-écran.

Au cœur de cette radioscopie, le chapitre « Égalités » explore le sujet majeur de l'accès au travail, en métamorphose accélérée sous l'effet de la mondialisation ; jusqu'à l'émergence de nouveaux emplois, parfois difficiles. « Sophie Loubaton a réussi à se glisser au sein des usines de logistique implantées en rase campagne et à mettre en lumière les petites mains qui préparent et distribuent nos colis », souligne Emmanuelle Hascoët, l'autre cocommissaire. Face au creusement des inégalités sociales, les « Fraternités » s'organisent envers les plus fragiles, à l'instar des jeunes migrants qui ont décroché des formations au métier de pêcheur et qu'Olivier Jobard a accompagnés au large, de Nantes (Loire-Atlantique) à Boulogne-sur-Mer (Nord).

Car, comme le suggère le dernier volet « Potentialités », le monde de demain reste à inventer. Certes, les reporters continuent à documenter les menaces qui pèsent sur la planète, du dérèglement climatique à la pollution des sols, mais ils tournent aussi leurs objectifs vers ceux qui écrivent déjà de nouvelles pages de l'histoire : classes en pleine nature sur la côte Atlantique par Catalina Martin-Chico, paysans de la Beauce convertis au bio par Olivier Laban-Mattei ou encore familles vivant en autosuffisance en Occitanie par Alexa Brunet, les pionniers d'un autre modèle de société semblent avoir des ailes. À la fin de l'exposition, un pan de mur affiche les parutions de presse sur ces regards inspirants : Le Pèlerin y figure en bonne place, avec sa une dédiée à la série d'Hervé Lequeux (n° 7298) sur les princes de la débrouille aux Aubiers, une cité bordelaise.