Georges Feterman : « En marchant, ouvrez les yeux sur la nature ! »

Gaële de la Brosse

Par  Gaële de la Brosse

Publié le 24/09/2023 à 15h30
Mise à jour le 26/09/2023 à 09h48

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Georges Feterman : « En marchant, ouvrez les yeux sur la nature ! »
© DR

Georges Feterman, cofondateur de l'association A.R.B.R.E.S.

Georges Feterman est le spécialiste des arbres remarquables. Depuis une vingtaine d'années, il recense et photographie également les sujets les plus remarquables du patrimoine naturel français. Il vient ainsi de publier un superbe livre, "La nature sur les chemins de Saint-Jacques" (Delachaux et Niestlé), proposant une balade naturaliste et géologique sur la voie du Puy-en-Velay. Entretien avec un homme… remarquable !

D’où vous vient cette passion pour le patrimoine naturel français ?

Après une année d'études de médecine à Paris, j'ai pris conscience que je ne voulais pas être médecin. Je suis alors passé en deuxième année à la Faculté des sciences pour m'initier à la chimie, à la biologie et la géologie. Pendant les stages sur le terrain, j'admirais les connaissances des assistants universitaires. J'ai alors rêvé d'en savoir autant qu'eux et je me suis plongé dans l'étude de la flore, des oiseaux, des roches et des champignons.

Ayant obtenu le CAPES puis l'agrégation, j'ai enseigné les sciences naturelles. Dès le début de cette période d'enseignement, j'ai développé une véritable boulimie en ce qui concerne cette discipline: je voulais "tout savoir" de la nature! J'ai alors approfondi tous les domaines des sciences naturelles: la géologie, l'ornithologie, la botanique, la zoologie. Je me suis d'abord concentré sur les oiseaux, puis sur les orchidées. La passion des paysages de France est venue avec: je me suis mis en quête des sites insolites, puis des arbres remarquables, notamment avec l'association A.R.B.R.E.S. que j'ai créée avec Robert Bourdu et Yves-Marie Allain en 1994 .

Vous donnez toujours des cours. Mais le partage de vos connaissances déborde largement cet enseignement universitaire !

En guidant des voyages de découverte en France et en écrivant des livres (pour les adultes, mais aussi pour les enfants), j'ai en effet la joie de partager ces connaissances. En même temps, je les enrichis et je renforce mes observations.

Notre pays est doté d'une incroyable diversité de paysages, indissociables d'un patrimoine culturel d'exception. Les découvrir et les faire découvrir participent, pour moi, de la même passion.

Comment avez-vous procédé pour écrire ce livre sur la voie du Puy-en-Velay et pourquoi l’avez-vous choisie ?

J'ai choisi cette voie car c'est la plus parcourue. Et elle recèle tellement de richesses et de paysages exceptionnels! On passe des volcans du Velay aux sommets granitiques de la Margeride, des prairies de l'Aubrac aux Causses calcaires, sans oublier la large place faite aux traditions agricoles, aux vignobles et à l'élevage.

Pour récolter la matière de ce livre, j'ai parcouru la Via podiensis par étapes en prenant le temps d'observer, de repérer les éléments naturels à mettre en valeur et de faire de nombreuses photos. L'idée était de présenter ces découvertes par "pays": le Velay, les gorges de l'Allier, la Margeride, l'Aubrac, le Quercy, la Lomagne, le Béarn. Et croyez-moi, sur ce chemin, il y a beaucoup à découvrir !

Georges Feterman : « En marchant, ouvrez les yeux sur la nature ! »
© Georges Feterman

La rivière Allier vue depuis un belvédère, dans les gorges.

Quel serait votre « Top 5 » de la faune sauvage sur cette voie ?

Difficile de faire un classement, mais je vais essayer! Les gorges de l'Allier sont un paradis pour les rapaces tandis que les champs de lentilles du Velay sont survolés par les sublimes milans royaux, dont la queue orangée sert de gouvernail. Et puisque l'on évoque les rapaces, le franchissement des Pyrénées est l'occasion d'admirer les vautours fauves et, avec beaucoup de chance, le gypaète barbu. Enfin, l'Aubrac peut être l'occasion de voir des espèces des steppes que l'on tente de réintroduire comme les chevaux de Prejwalski et les bisons d'Europe.

Et en ce qui concerne la flore ?

J'ai un (grand) faible pour les orchidées Ophrys, dont le pétale principal, le labelle, imite un insecte. On trouve ces orchidées au printemps, sur les terres calcaires du Quercy. Je citerais aussi les hêtraies d'altitude et les ripisylves (forêts du bord de l'eau) sur les rives du Lot.

Aimeriez-vous signaler quelques trésors naturels méconnus sur cette voie ?

Plusieurs sites géologiques (par exemple autour de Conques ou d'Espalion) mettent en évidence des roches rouges, riches en oxyde de fer. De belles prairies riches en orchidées sont bien préservées, comme à Pimbo (Landes), avec une réserve naturelle. Et on appréciera la flore et la faune de nombreux étangs en approchant des terres béarnaises.

Georges Feterman : « En marchant, ouvrez les yeux sur la nature ! »
© Bernard Deman

Milan royal.

Patrimoine bâti, toponymie, espaces naturels : des corrélations à déchiffrer ?

Dans ce livre, j'insiste effectivement sur les liens entre la nature du sous-sol et les pierres des vieilles maisons ou des chapelles, nombreuses sur ce parcours. Chaque pierre du patrimoine bâti raconte l'histoire géologique de la région traversée. On se régale, par exemple, en longeant les murets de pierre, témoins d'une tradition ancestrale! Quant aux noms de lieux, ils ont souvent un lien avec les arbres: chassan pour le chêne, castan pour le châtaignier, verne pour l'aulne ou frayssine pour le frêne.

Y a-t-il des arbres remarquables sur cette voie ou sur d’autres chemins de Saint-Jacques en France ?

Je signale quelques beaux arbres comme les gros hêtres près du village des Faux (Lozère) ou le grand tilleul près d'un pont sur le Gave, en Béarn. Les arbres remarquables ont aussi leur place sur les autres chemins de Saint-Jacques: le plus connu est le gros platane de Saint-Guilhem-le-Désert.

A quelle saison conseillez-vous d’effectuer la voie du Puy-en-Velay pour profiter au mieux de cette nature ?

Toutes les saisons ont leur intérêt, leurs surprises et leurs révélations. Les couleurs d'automne sont sublimes, mais de plus en plus tardives. Pour moi, la saison idéale est le printemps. Traverser l'Aubrac et la Margeride fin mai est un enchantement, lorsque des millions de narcisses sont en fleurs!

Georges Feterman : « En marchant, ouvrez les yeux sur la nature ! »
© Georges Feterman

Hêtre remarquable près du village des Faux (Lozère).

Quand on marche, on est parfois absorbé par des questions matérielles : les balises à dénicher, l’étape du soir à atteindre, le sac à dos trop lourd, une tendinite qui fait souffrir. Comment peut-on alors observer la faune, la flore, la géologie ?

Une seule solution: prendre le temps, si c'est possible! Ce livre devrait aussi aider le marcheur à préparer son parcours, en notant les lieux qu'il ne veut pas manquer. J'en profite pour préciser qu'il est trop lourd pour être emporté. Il est conçu pour être lu avant le départ ; et aussi au retour, comme un bonheur complémentaire, pour revivre les bons moments du voyage.

Quels conseils donneriez-vous pour préserver cette faune et cette flore, pour être un « écopèlerin » ?

De rester sur le chemin pour éviter le piétinement excessif et le dérangement de la faune, notamment des oiseaux. Pour la flore, éviter les cueillettes inutiles. Quant aux conseils de base concernant les déchets, tout le monde les connaît. En résumé, trois verbes à appliquer: regarder, admirer, respecter!

Qu’est-ce que la nature peut enseigner au marcheur ?

En regardant la flore, en admirant les oiseaux, on s'émerveille, on réfléchit aux millions d'années d'évolution qui nous ont précédés, mais on pense aussi à la fragilité de toutes les espèces. En regardant les pierres, en pensant à leur histoire, on relativise notre place sur notre planète.

Sur l’avenir de la nature en France, êtes-vous optimiste ou pessimiste ? Sur cette voie du Puy-en-Velay, les pèlerins verront-ils les trésors présentés dans ce livre… dans 20 ans ou dans 50 ans ?

Je donne plutôt dans le volontarisme et l'optimisme: je veux espérer que ces merveilles accompagneront toujours le chemin des pèlerins. Les changements climatiques sont peut-être la principale menace, mais on peut aussi imaginer que les vastes steppes parcourues accueilleront des grands mammifères réintroduits et devenus sauvages. Bisons, chevaux et loups pourraient alors être au rendez-vous. Qui sait?

Un dernier souhait ?

Par ce livre, j'espère contribuer à offrir de petits moments de bonheur à tous les marcheurs des chemins de Saint-Jacques, en les incitant à ouvrir grand les yeux sur les merveilles qui se présentent à eux!

couv Georges Feterman

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